You are seen

Pourrai-je sans plus attendre voir la Grande Ourse se dévoiler à la fontaine se répétant dans les cieux gris dans l’aube grise dans l’ombre pourpre des orages dans la couleur de l’ozone dans l’étoile des feuilles enfuies en touches de terre de Sienne de tempêtes

J’ignore sans doute le creux de ta main sans son secret cette pointe de flèche sans retour sans la colonne qui nous tire vers notre propre ciel aux contours aux confins à toutes les fins

Je te sais dans l’absence dans la valse lente des instants qui s’étirent se contractent se dissolvent dans l’onde tournoyante du monde

Pourrai-je écouter encore la voix qui me guide dans cette ascension ce vertige de profondeurs sombres et douces où tout souffle courbe le temps et courbe la danse des vœux le velours de la mousse l’usure de la pierre

Cette voix s’éteindra-t-elle s’enroulera-t-elle dans l’absence calfeutrée des pensées des violettes du lierre et sa feuille en pointe de flèche

Ce rétrécissement des fissures où j’ai fui dans le creux dans l’ombre dans le vide est-ce que ce voile flotte est-ce qu’il se déchire est-ce que je vois enfin

La source et l’embouchure la naissance et la poussière la nuit et la lumière

L’arbre défait qui se tient devant moi

De la lumière

Tu le sais. Je me sens emplie d’un amour infini pour les êtres et les choses. Pour la vie, pour les âmes, pour les corps. Pour la musique qui est à la source même de ma propre vie, vibrante, dans chacune de mes cellules. Et je ne peux laisser cette musique s’éteindre. Quelqu’un doit l’entendre.

Aimer c’est tomber dans le vide. Tomber dans la vie. C’est tenir l’autre par la main et sombrer dans l’espace sans fin. C’est tomber toujours plus profondément dans l’univers. Parmi les étoiles.

Vivre. Aimer. Mourir. J’aime tant, j’aime tant la vie que je voudrais mourir. Mourir à moi-même. Me laisser tomber. Infiniment. Dans la musique de mon silence. Dans le silence de la danse des étoiles.

S’échapper. Se lever et sortir. Partir sans bagage. Seulement la musique. Celle qui fait vibrer tout en moi, autour de moi. Danser le vent dans les êtres et les choses.

Je suis l’univers.

Partir et marcher sans fin. Le jour, la nuit. Sous les pluies de pétales du printemps, dans le vent et les vagues des champs, dans les cristaux de neige, sans fin. Dans l’expansion de l’horizon. Jusqu’au bout du monde.

Aimer. Être une étoile.

Et au bout du monde disparaître en laissant au yeux du monde la splendeur d’une super nova.

Je reviens

Proposition n°1

Je reviens

Le métro s’est arrêté à République. Ce n’était pas sa station, mais sur une impulsion elle est descendue. C’était le soleil ou l’automne. Platanes, feuilles découpées brun terne, akènes en boules velues sur les trottoirs. Le square du Temple, là-bas, ou la rue Notre-Dame-de-Nazareth ? L’hésitation l’emporte sur l’impulsion. Elle pourrait rester figée indéfiniment sur le trottoir, avancer en regardant ses pieds. Ne pas marcher sur les lignes de démarcation des pavés. La porte de l’immeuble était vert sombre dans ses souvenirs. Aujourd’hui elle ne saurait en appréhender la couleur, passée, bleu, vert, noir. Toujours dans ses vantaux deux fenêtres ornées de croisillons, et l’arc au-dessus comme une demi-roue avec ses rayons.

Pour : l’atelier d’été | construire une ville avec des mots http://www.tierslivre.net/revue/spip.php?article210

Silence

 J’aime regarder toutes ces choses du dehors qui bougent presque imperceptiblement. Cette herbe qui frémit, légère. Le feuillage de l’arbre lointain au travers duquel filtre la lumière du soir. Les pétales blancs du pommier qui tombent aussi doucement que des flocons de neige. Cette branche qui se balance au rythme d’une musique intime.

Et puis, tout à coup, le temps se fige.

Seule la silhouette d’un oiseau tressaille dans le crépuscule.

*

Souffle

Pourquoi toujours commencer par Et
Le pouvoir de dire
sans le lien qui protège
et rattache l’image de ce bras tendu vers ce paysage blanc

C’est un souffle resserré qui passe à la jointure d’un sablier
Qui coule en sifflant doucement sur la pierre usée

et quand il peut enfin se répandre
ma poitrine se soulève et se détend
gorgée de poussière lumineuse
celle qui traverse les années depuis le fond arrondi du ciel

Une houle légère
Une brise courbant les nuages

Sombrer

La nuit creuse sa galerie dans mes entrailles

et j’y sombre
corps et

Peut-on marcher sur l’amertume
quelques pas sans empreintes
percés par les pointes du silence ?

C’est le corps te dis-je
mille fois replié dans la spirale des voix
humaines

et au centre d’un lac d’eau salée
cette barque sans rameur
ce n’est pas elle qui sombre

*

La nuit n’a pas fini de creuser
je sens l’acide de ses vagues
qui me lèchent

corps et

J’irai jusqu’à la barque
malgré la nappe de silence
sur les eaux salées

ça ou sombrer

Sans le lointain

Il fait nuit et il fait jour
et fasse que les sépare un midi
ou un minuit. J’attends
la fracture de l’aube et le craquement
du crépuscule.

Et pendant que s’ébruite
le vol des papillons
devant la Lune
pendant que transpire
la rumeur grondante
de l’orage

J’attends. L’aveugle a le pied
sûr je le suis dans les méandres
ruisselants d’une forêt
peuplée de mirages.

Autant de fantômes
enracinés dans le néant
oscillants sous la pulsation
des vents. J’attends

La trêve et puis l’orage
Et puis l’orage
avec à la main
la pointe d’une flèche.